Etude : Shoa. Le sens d’un mot
par
Le terme hébreu de shoa est aujourd’hui d’un usage commun pour désigner
le génocide nazi. Ce mot est préférable à celui d’holocauste, dont l’emploi
pour désigner le génocide est particulièrement inconvenant : l’holocauste est en effet
un sacrifice rituel, c’est-à-dire un acte liturgique ; appellation très déplacée pour
évoquer l’horreur de la « solution finale ».
Le terme de shoa n’a pas été créé spécialement pour désigner le génocide.
Il vient de la Bible, où il apparaît treize fois. Beaucoup, sans doute, ne soupçonnent
pas la présence de ce mot dans la lecture des traductions courantes ou dans la récitation
des psaumes. Puisque ces références ne sont pas très nombreuses, il peut être utile
d’en donner la liste : Isaïe 10,3 ; 47,11 ; Ézéchiel 38,9 ; Sophonie 1,15 ;
Psaumes 35,8 (2 fois) ; 35,17 ; 63,10 ; Proverbes 1,27 ; 3,25 ; Job 30,3.14 ; 38,27.
Le dictionnaire hébreu d’Even-Shoshan donne pour ce mot des définitions correspondant
au français ruine, destruction, anéantissement. Les traductions françaises expriment
la même idée, bien qu’avec beaucoup plus de nuances selon les contextes… et selon les traducteurs.
Osty traduit régulièrement shoa par « tourmente », sauf dans trois cas sur lesquels
nous allons revenir, mais les traductions collectives utilisent un vocabulaire plus varié : « désastre » ou « tempête » pour la Traduction Œcuménique de la Bible, « calamité », « malheur », « désolation », « ruine », « orage » « tempête », « attaque », « ravages »
pour la Bible de Jérusalem. La Bible du rabbinat traduit par « catastrophe », « ruine », « désolation », « tempête », « ouragan », « désastre », « malheur ». Le lecteur curieux
pourra compléter l’exercice en comparant avec d’autres versions. Dans les traductions
de certains passages, le mot lui-même disparaît dans une périphrase.
C’est le cas pour Ps 63,10, dont une traduction littérale donnerait : « ceux qui cherchent
ma vie pour la shoa », et que la T.O.B. traduit par « ceux qui en veulent à ma vie ».
Osty serre de plus près le texte en traduisant par « ceux qui en veulent à ma vie,
pour la perdre ».
Dans trois cas (So 1,15 ; Job 30,3 ; 38,27), le mot est suivi de son synonyme meshoa,
d’un usage rare, dans l’expression shoa u-meshoa, rendue dans la traduction d’Osty
par « dévastation et désolation ». Dans le passage de Sophonie, ces termes sont associés
au « Jour du Seigneur ».
Le mot hébreu de shoa désigne donc généralement l’événement lui-même, sans en donner
aucune interprétation. Certains passages soulignent le caractère brutal et inopiné
avec lequel survient le désastre, par exemple en Ps 35,8, qui parle d’« une tourmente
qu’ils ne prévoyaient pas » (Osty), ou encore Is 47,11, où la T.O.B. a malheureusement
omis de traduire le « soudain » qui figure dans l’hébreu.
Question annexe : comment l’écrire ?
Après avoir utilisé plusieurs transcriptions, j’ai été convaincu par le bref article
de Yohanan Elihai « Du bon usage du h final », dans la Revue biblique,
2008, pp. 613-615.
L’auteur y explique pourquoi la mode du h final s’est répandue
depuis quelques années, sous l’influence des transcriptions américaines,
et montre qu’il n’y a pas plus de raisons de mettre un h à la fin de shoa
que d’écrire Sarah, Léah, Mishnah ou Haïfah.