Mordechaï était considéré comme le premier leader de la communauté juive de Perse. Il adopte face au deuxième personnage du royaume, Aman, une attitude arrogante et exacerbant la haine antisémite de ce dernier. |
Comment pouvait-il mettre, ainsi, en danger la vie de ses coreligionnaires?
Toute la communauté juive locale savait que Mordechaï agissait de la sorte,
et les notables juifs avaient déjà, à plusieurs reprises, tenté de le raisonner
et de lui faire prendre conscience des dangers qui pesaient sur toute
la communauté. Mais rien n’y faisait !
Le Maharal de Prague explique qu’il ne s’agissait pas là d’une incartade
marginale, mais d’une question de principe : fallait-il céder à la cruauté,
ou bien convenait-il au contraire d’adopter une attitude fière et résolue?
Rabbi Shïmon Bar Yochaï avait répondu à ce dilemme :
« devant la méchanceté, estime-t-il, il est même permis d’arborer
une attitude provocante. »
Réponse très révélatrice de sa personnalité, on sait que ce fut
un grand résistant contre l’occupation romaine qui le condamna
a mort et le contraint à se cacher.
C’est cette même thèse que Mordechaï a faite sienne.
S’il arrive que les contingences de l’exil exigent parfois que
l’on doive s’humilier face aux étrangers et aux « gentils »
qui nous gouvernent, en Eretz Israël au contraire, un peuple libre
doit adopter une politique émancipé ! Pour espérer voir s’édifier
un royaume ou un Etat libre, il est nécessaire de posséder
au départ un certain esprit de liberté, de souveraineté et
d’indépendance.
Mordechaï avait quant à lui compris qu’il ne fallait pas céder !
Reculer devant les premières oppressions, c’était leur concéder
de plus en plus de terrain sur nous même.
Par contre, en restant ferme, il devenait évident que le prix à payer,
sur le moment, serait élever mais l’on éviterait un désastre certain
pour l’avenir.
Il connaissait parfaitement les personnages impliqués dans les intrigues
du royaume, raison pour laquelle il s’opposera le plus fermement
possible aux tyrans qu’ils étaient.
Il comprenait qu’Aman désirait briser peu à peu l’esprit
de fierté et d’indépendance que le peuple d’Israël avait maintenu
même en exil.
On objectera qu’il est évidemment toujours positif de conserver
son esprit de liberté et d’orgueil national, encore faudrait-il être capable
de résister à ses ennemis.
Assuérus n’a pas aboli le décret d’extermination réclamé auparavant
par son Premier ministre : il l’a seulement associé à un autre décret
qui permettait aux Juifs de se défendre.
Il s’avéra, alors, que la détermination des Juifs eut raison
de la cruauté des Perses. À l’évidence, le peuple d’Israël n’était pas
une nation faible et craintive, mais puissante.
Peut-être les Juifs se croyaient ils moins courageux et résistants
qu’ils ne l’étaient ? Peut-être avaient-ils une trop forte tendance
à se dévaloriser aux yeux des autres peuples, et a tombés dans
cet état de faiblesse générale et de renoncement ? En fait,
c’est l’homme du courage, l’inébranlable Mordehaï, qui a su réveiller
les forces enfouies de son peuple en vue d’accélérer le salut
de tous ! Cette hardiesse, profondément enracinée dans l’âme de la nation,
a surgi au moment où la résistance contre les forces du mal
était la plus opportune.
Rony Akrich