Rabbi Akiva ben Yosseph sera l’un des maîtres les plus importants de la troisième génération de
sages (Ier et IIe siècles), il est considéré comme l’un des fondateurs du judaïsme rabbinique.
Rabbi Akiva est en outre une importante personnalité politique de son temps, mandaté plusieurs
fois par les Judéens comme ambassadeur à Rome, associé à la révolte de Bar Kokhba, il est l’un des dix morts en martyrs pour avoir défié le pouvoir romain. La réputation de Rabbi Akiva grandira
rapidement dans le monde juif. Le nombre de disciples que la tradition lui attribue sera de 24 000, répandus sur toute la terre d’Israël. Beaucoup s’illustreront dans leur génération ou les
suivantes, mais c’est avec un tout petit nombre d’entre eux qu’il étudiera les profondeurs ésotériques de la Bible.
Sur le plan politique, il apporte son soutien au chef de la nouvelle révolution, Shimon bar
Koziva; impressionné par ses hauts-faits et son ascendance davidique, il donne au patriote le nom de Bar Kokhba (fils de l’astre), d’après le verset « Un astre s’élève de la maison de Jacob, » et
le proclame Messie. Les voyages de Rabbi Akiva, à l’étranger, avaient peut-être pour but de susciter des soutiens financiers et politiques en vue d’une éventuelle révolte. Ses étudiants – soldats
le suivront jusqu’au bout et tous périront durant le siège de Betar; le talmud affirme : « ils moururent car ne se respectant pas les uns et les autres ». Des êtres qui n’avaient, justement, rien
appris de l’essentiel de leur maitre, là ou celui-ci s’évertuait à enseigner qu’il fallait aimer son prochain comme soi même car disait il, cela, est une règle d’or !
Il aurait fallu que leur semblant d’amitié concilie tout à la fois le respect et l’amour. L’amour
les aurait rapprochés, bien que nous sachions que l’amour peut manquer de respect. Ce dernier à l’inverse tient à distance, mais à lui seul, il ne ceint pas l’affection. Le respect qui est
commandé par la morale est absolu, il peut-être glacial, dépourvu d’émotion. On peut fort bien respecter quelqu’un sans l’aimer. Or dans l’amitié, la chaleur de l’affection est présente et en
même temps, il y a un respect, il y a une pudeur qui fait que nous avons soin de ne pas attenter à la dignité de l’autre. Les hommes sont tiraillés entre ces deux extrêmes : ou bien un respect
purement formel, comme celui que l’on a à l’égard de ses collègues, ou bien un attachement passionnel, mais qui est réservé aux proches dans le cadre de la famille. Peu de place pour l’amitié
donc. L’amitié reprendrait sa place si nous avions des valeurs différentes que celles qui ont cours aujourd’hui. Nos modèles sociaux favorisent la relation passionnelle (dans le cinéma), une
certaine complicité virile (autour du sport), une convivialité superficielle (autour du travail, du jeu et de la fête). Pour que l’amitié retrouve sa valeur, il faudrait que nous retrouvions le
don de soi, le sens de la sagesse, le sens de la beauté, le souci de l’art de vivre. Mais comment dans le harcèlement du quotidien, pourrions-nous être sensible a une amitié qui paraît bien être
qu’un idéal, ce vers quoi nous voudrions tendre, mais que nous ne parvenons pas à atteindre.
Qui plus est, une ville refusera de s’ouvrir, d’ouvrir ses portes à Rabbi Akiva pour la nuit,
alors qu’il était déjà un maître reconnu, car ces habitants s’opposaient à toute révolte dont il était un farouche partisan. Voici donc des rescapes dont l’idéologie, qui pour autant qu’elle soit
sincère, manque de compassion. Or la compassion n’est rien d‘autre que l’expression de l’amour. L’amour ne calcule pas, il donne, et le présent de soi à l’amour est en soi complet. Dans l’élan de
l’amour, le devoir perd son caractère humiliant, seul l’amour rend le devoir spontané, car il découle alors de la simple joie du don. Mais le comportement idéal est fondé sur le principe du don,
on ne peut donner que ce que l’on possède ; il faudrait que le cœur soit ouvert pour qu’il puisse donner. L’amour peut s’adresser à un être imparfait, capable de devenir plus parfait avec le
temps, il n’a pas la cruauté d’une condamnation devant une exigence que l’on ne parvient pas à satisfaire.
Malgré l’apparition de nouvelles lois visant à interdire tout enseignement de la loi et malgré
des élèves et une ville antinomique, Rabbi Akiva continuera à pratiquer publiquement, au mépris des conséquences, comparant le peuple Hébreu sans Amour et sans Torah à un poisson sans
eau.
Arrêté par Turnus Rufus, il sera emprisonné plusieurs années puis exécuté. Rabbi Akiva mourra le
« Shema Israël » aux lèvres, a ses mêmes lèvres qui avaient tant aimé une femme, un peuple et une loi.